Rapport du Général Gambiez – 26 mai 1958

Extrême Urgent

Général CIA et SCTFT – SALAMBO

E.M.F.A. – Cabinet

1ère Division – 2ème Division

N°1790 / CSTFT / 2/12 En date du 26 mai 1958

PRIMO :

Les évènements qui se sont produits à Remada et Gafsa et qui ont débuté le 20 mai font partie d’une offensive préméditée par le gouvernement Tunisien pour tenter d’obtenir un succès décisif dans la bataille de l’évacuation. Stop.

Ils s’inscrivent à ce titre dans le plan mis sur pied en accord avec le Maroc et le F.L.N. à la conférence de Tanger. Stop.

Le gouvernement Tunisien recherche le succès psychologique que serait une évacuation rapide des troupes de Tunisie pour compenser les déboires qu’enregistre actuellement le F.L.N. en Algérie. Stop.

Les signes avant coureurs indiquant la volonté tunisienne de provoquer une tension ont été nombreux. Stop.

En particulier à partir du 17 mai retrait de la frontière de cinq compagnies de l’armée tunisienne formant à Tunis une masse de manœuvre prête à intervenir. Stop. Recrutement de civils en tous points du territoire. Stop.

Réquisition à Tunis dès 18 mai de tous les stocks de sérum, de plasma, de ligatures et de brancards. Stop.

Ton général de la presse Néo-Destourienne mettant l’accent sur l’évacuation et la mobilisation populaire. Stop. Dans ces conditions l’incident initial du 18 mai à Bir Amir de Remada n’a été que le prétexte de déclencher une action toute prête.

SECONDO :

A la suite de l’incident du 20 mai sur l’Oued Dekouk, j’avais prescrit au général Gombeaud de ne pas interdire par la force aux unités tunisiennes la circulation au Sud de cet oued afin de ne pas porter atteinte à la souveraineté tunisienne. Stop.

Je pensais ainsi arriver à un « NODUS VIVENDI » honorable. Stop.

Les tunisiens n’en ont pas moins persisté dans leur attitude hostile lors de leur progression vers le Sud. Stop.

Leur objectif était en fait l’asphixie du G.S.S.T. dans Remada et peut être sa destruction. Stop.

Le combat s’engageait le 24 mai vers 18H.30. Cependant que nos unités n’ouvraient le feu que vers 19H.00 pour dégager une voiture tombée sous le feu d’un barrage tunisien coupant la piste de Remada à Bordj le Bœuf. Stop.

L’examen des forces en présence fait ressortir une supériorité certaine en faveur des tunisiens qui face aux 550 hommes du G.S.S.T. alignaient au contact plus de 1000 hommes dont 600 de l’armée tunisienne et 400 civils encadrés susceptibles d’être renforcés à brève échéance par 400 hommes de l’armée tunisienne en provenance du Nord. Stop.

C’est ainsi que le G.S.S.T. était oblige au début de la nuit à resserrer son dispositif autour du Bordj de Remada et du terrain d’aviation. Stop.

Le 25 mai à 03.15 quand intervenait une mission «LUCIOLE» la situation était très difficile les assaillants tunisiens appuies par des mortiers de 120 mm ayant réussi à s’approcher à 30 mètres des véhicules du G.S.S.T. stop.

Devant ces difficultés prévisibles j’avais été appelé à prendre au début de la nuit les décisions suivantes. Stop.

a) Autorisation d’ouverture des feux aériens dont le déclenchement était délégué au général commandant le groupement Sud.

b) Demande de mise en alerte d’un régiment de parachutistes d’algérie dont l’intervention pouvait avoir lieu dès le 25 à l’aube. Stop.

L’appui aérien feu intervenant vers 07.00 le 25. Stop. Conduit avec T.B.M. Corsaires et B.26 il permettait au G.S.S.T. de reprendre rapidement l’initiative et de rester maître du terrain après quelques heures. Stop.

Par la suite j’avais prévu, afin d’éviter une intervention des troupes d’Algérie, de mettre en place à Remada par aérotransport 2 compagnies prélevées sur Bizerte et de donner au commandant du G.S.S.T. une couverture aérienne permanente pendant le reste de la journée. Stop.

Ces deux catégories de mesures ne devaient pas jouer par suite du « Cesser le Feu » qui intervenait vers midi. Stop.

Au cours de l’action le village de Remada n’a pas souffert des bombardements aériens, les objectifs pris à partie étant tous militaires. Stop.

Les pertes adverses n’ont pu jusqu’à présent être estimées avec précision. Stop.

La seule indication est le chiffre annoncé par M. Ladgham à M. Benard 11 Tués. Un mortier de 81 et une mitrailleuse Hotchkiss ont été jusqu’à présent récupérées. Stop. Nos propres pertes s’élèvent à 6 tués 14 blessés et 8 véhicules endommagés. Stop.

TERTIO :

L’intervention aérienne à partir de Bizerte ou d’Algérie avec des avions à hélices dispensait de bases à Gafsa des avions à réaction et ainsi d’éviter les incidents que n’auraient pas manqué de provoquer l’envoi de mistrals sur l’aérodrome de cette ville. Stop.

A cet égard la présence à Gafsa de plus de 2000 hommes armés dont 200 armée tunisienne, 100 G. N., 1200 civils armés et 600 à 800 F.L.N. fait peser en permanence une lourde menace sur nos installations de Gafsa-ville et du terrain d’aviation dont la défense est assurée par 500 hommes seulement. Stop.

QUARTO :

L’échec de la manœuvre tunisienne n’a pas éclairci pour autant la situation. Stop.

Il a été durement ressenti par le Néo-Destour qui s’efforce de rassembler toutes les forces vives de la nation pour la lutte contre la France. Stop.

Sans doute les menaces proférées le 25 mai par le Docteur Mokadem et Bahi-Ladgham à l’égard des ressortissants français sont-elles excessives ; il n’en demeure pas moins que l’agitation est entretenu est susceptible d’amener à tout moment le déclenchement d’incidents dont les conséquences sont imprévisibles. Stop. Gafsa est à cet égard le point le plus menacé. Stop.

QUINTO :

Rien ne permet donc de penser que le gouvernement tunisien ait modifié ses intentions après cette affaire. L’état d’urgence a été décrété le 25 à 12 heures sur l’ensemble du territoire. De nombreuses manifestations orchestrées par le Néo-Destour ont eu lieu cette nuit et se poursuivent aujourd’hui dans toute la Tunisie.

Le gouvernement tunisien cherche à démontrer à l’opinion française et internationale que la population tunisienne est prête à se soulever pour obtenir l’évacuation. Stop. Il va tenter d’obtenir par la voie diplomatique le succès qu’il recherche en se servant comme d’une menace de la mobilisation populaire qu’il a décrété. Stop. En cas d’échec il provoquait de nouveaux incidents qui tout d’abord localisés pourraient rapidement se généraliser. Fin.

Le général de Division GAMBIEZ Commandant Inter-Armes et Commandant Supérieur des Troupes de Tunisie Capitaine TERCIER Officier du 3 Bureau

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