Habiba veuve Habib Hanini
Réalité, Juillet 2006
Mon mari était un nationaliste qui a servi la cause de son pays. Il a été condamné à mort par les colonialistes français et emprisonné dans des conditions atroces à El Harrach. A l’Indépendance, il a été libéré. Il a suivi des cours de dactylo à Tunis et travaillé comme agent municipal à Bizerte. La parti l’a contacté et lui a proposé d’être à la police criminelle mais nous avons refusé. Habib Tekaya et d’autres amis voulaient qu’il intègre le parti. Durant la Bataille de Bizerte, il était catastrophé par les aides américaines et autres qui ne parvenaient pas comme prévu. Mongi Slim venait souvent chez nous. Après le jugement et avant l’exécution, j’ai contacté Mongi Slim auprès de qui j’ai protesté. Après le complot, ils m’ont harcelée et interrogée à Tunis. Je me suis défendue en leur disant que je n’étais pas au courant de ce qu’il faisait. Ils l’ont arrêté à Bizerte. On nous a interdit de lui choisir des avocats. J’ai appris par la radio et la presse ce qui s’est passé et aussi son exécution. Il avait 33 ans et moi 25, avec trois enfants sur les bras (4 ans, 3 ans et six mois). Il y a quelques années, on m’a remis un carnet de soins et proposé une indemnité de résistant d’à peine 100 dinars. Pour cela il fallait, m’a-t-on dit, que je me procure son certificat de décès. Je ne savais pas comment faire et ai demandé où il est enterré. Enfin, j’ai été orientée par une personne et ai réussi à retirer, plus de trente ans après, le papier d’une municipalité à Tunis. Après l’exécution, nous avons été rejetés par tous. Quand je pense que, pendant la Bataille de Bizerte, ma maison était grand ouverte ! Je faisais la cuisine et lavais le linge de tous les militants qui venaient chez nous. J’ai même aidé à transmettre des documents jusqu’à Tunis, en défiant le contrôle des paras. Aujourd’hui, je ne sais pas où il est enterré. Est-ce à Bouficha ? Je l’ignore. J’ai élevé mes enfants dans des conditions difficiles vu que nos biens ont été confisqués, comme l’Hôtel « Le petit Mousse » dont mon mari était actionnaire avec Hamadi Baccouche et pour lequel j’ai tout vendu : mes bijoux etc… ainsi qu’une villa à la Corniche que nous le terrain de mon père de 60 hectares pour pouvoir élever mes enfants. J’habite dans ce petit logement de ma famille et j’ai fait de la couture et d’autres activités manuelles pour payer les études de mes trois enfants. Personne ne m’a aidée. Pourquoi exécuter les familles ? Un jour, on m’a proposé de rencontrer Bourguiba mais j’ai refusé parce qu’il a tué mon mari qu’il appelait à l’époque « Mon fils ». A un fils, on peut pardonner. Un fils, on peut le sanctionner mais pas tuer. Qu’a à voir la famille dans tout cela ? Moi-même, j’ai combattu lors de la guerre de Bizerte et ai pris de grands risques. Je n’ai même pas pu toucher sa retraite. Un agent municipal n’a pas retrouvé son dossier qui a disparu de la municipalité. Je veux savoir où est enterré mon mari.