Ahmed Mestiri : «Sans Bourguiba, point de CSP»

Ahmed Mestiri : « Sans Bourguiba, point de CSP »

 

Le Maghreb du 24/8/2012

 

A l’aube de ses quatre-vingt-huit années, Ahmed Mestiri se remémore avec nostalgie les étapes de l’élaboration du code du statut personnel. Il confie ses souvenirs. Son rôle actif à cet égard, mais aussi dans la défense de cette législation lorsqu’elle dut affronter une vague de refus, lui paraît marginalisé.

Secrétaire d’Etat à la Justice auprès de Habib Bourguiba en avril 1956, il est au tout premier rang des participants à cette institution de la Tunisie contemporaine. La souveraineté de la Justice du pays recouvrée, c’est dans une société entamant sa marche sur la voie de la modernité que s’inscrit l’actualisation du statut personnel. Bourguiba, cependant, anticipé sur l’évolution des femmes.

Ahmed Mestiri témoigne que son mentor est très clair sur les réformes, et au premier chef l’interdiction de la polygamie. Sur la base d’un projet de législation charaïque supervisé par Cheikh Abdelaziz Djaïet, Mestiri et ses conseillers s’entendent sur un certain nombre de chapitres et d’articles. Mais cela ne s’intègre nullement dans l’esprit d’une codification.

Une commission de rédaction est créée à cet effet. Bourguiba continue de rencontrer son ministre, de discuter en Conseil, où il tranche les débats sur la base de l’adaptation de la législation aux impératifs du moment. La commission est, elle, bientôt rejointe par Cheikh Fadhel Ben Achour afin d’aplanir les différends. Les travaux achoppent toutefois sur l’interdiction de la polygamie. Et Bourguiba refuse les solutions intermédiaires.

L’approbation du CSP en Conseil est faite, en présence du Cheikh Tahar Ben Achour, qui se déclare rassuré. Présent aussi, le Cheikh Djaïet adresse par la suite une missive de réserves sur des articles jugés contradictoires avec la Chariaâ.

Après l’adoption du CSP, les réactions sont pour le moins fortes. Des juges le rejettent, certains démissionnent. Le Parti destourien mène une campagne médiatique virulente. Les youssefistes affirment qu’il est contraire à la religion. Des résistances se font jour dans les couches populaires, même parmi les militants du Néo-destour. Faisant face, Mestiri et ses compagnons essayent, au contraire, de convaincre que le CSP ne contredit pas la Chariaâ, et que son application n’induit pas en mécréance.

L’ancien ministre observe enfin, last but not least, que sans Bourguiba, il n’y aurait point eu de CSP. Déjà, ses qualités politiques accélèrent le processus conduisant à l’indépendance et témoignent de ses capacités à décider dans les moments décisifs. C’est sa personnalité, marquée par son immense popularité et l’étendue de sa vision prospective, qui a permis de promulguer un code d’une telle profondeur de vue.

 

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