Le testament intellectuel de Bourguiba

Le testament intellectuel de Bourguiba

Les rencontres auxquelles m’invitait alors le Président Bourguiba tournaient toutes autour de problèmes culturels ou historiques. L’une des photos, prise à Nefta où il m’avait i demandé de l’accompagner dans sa promenade à travers l’oasis, le montre évoquant la résistance du peuple anglais aux bombardements nazis et la présentant comme l’exemple à suivre. Les entretiens que j’ai eus avec lui, à Tunis, à Skanès ou I à Paris, étaient aussi alimentés par le souvenir des lectures, nombreuses et variées, que je lui connaissais (notamment par ses emprunts à la Bibliothèque nationale, toujours scrupuleusement rendus). Cela allait de Custine à Saint-Evremond en passant par Ach-Chanfara, dont je l’ai par ailleurs entendu déclamer des dizaines de vers en duo avec Mahmoud Messadi.

Là réside l’intérêt de cet inédit. Il fournit la clé de l’ensemble de ses écrits, il révèle le sens que le Président entend donner à son œuvre et à sa vie. Il se présente en effet comme un chaînon, certes déterminant, de l’histoire d’un nationalisme, qui, comme tous les nationalismes, a été et reste le moteur de l’histoire du pays où il se manifeste. A ce titre, avec une modestie à laquelle ne nous ont certes pas habitués ses autres textes ou discours, il rend justice à tous ses prédécesseurs, les Khereddine, Kabadou, Bach Hamba, Zaouch, Thaalbi et Bechir Sfar, et enjoint au lecteur de reconnaître leurs mérites en sachant tenir compte du contexte historique dans lequel ils ont agi et par conséquent de ne pas leur reprocher le ton accommodant qu’ils ont adopté dans la formulation des revendications de leur peuple. Leur attitude, souligne-t-il, qui peut paraître pusillanime au lecteur de 1975, citoyen d’une république indépendante, était alors la plus adéquate. Equité et justice sincères puisqu’il dit expressément qu’il attend de l’histoire qu’elle reconnaisse à son action son mérite en sachant tenir compte de son contexte.

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