Le 30 janvier 1956
Tunis, 29 janvier, M. Mongi Slim, ministre de l’Intérieur, prononcé hier soir, au micro de Radio-Tunis, une allocution en langue arabe dans laquelle il a annoncé que le gouvernement a été amené à prendre des mesures rendues inévitables par l’aggravation de la situation et nécessaires pour assurer la sécurité des citoyens et la jouissance des libertés aux individus et aux collectivités.
Le ministre de l’Intérieur a expliqué que cette situation trouble était le fait de l’action menée par M. Salah Ben Youssef qui, «depuis son retour en territoire national, a-t-il dit, cherche à semer le désordre dans l’esprit et créer l’anarchie dans le pays».
Après avoir rappelé les «prévisions» de troubles annoncées par M. Ben Youssef, tant dans sa réunion du 17 octobre dernier à la grande mosquée de Tunis qu’au cours de ses conférences de presse, et notamment celle du 11 janvier, M. Mongi Slim a ajouté : «Si nous suivons le cours des événements depuis cette déclaration de M. Ben Youssef, nous constatons que les troubles annoncés ont eu lieu effectivement. Nous avons assisté depuis à des attentas contre les personnes, commis par des bandes armées, qui obligent les gens par la force à adhérer au «secrétariat général», qui pillent, allument des incendies dans les locaux du Néo-Destour et provoquent des incidents comme celui survenu à Djémal.
«Ces attentats se sont multipliés depuis la parution du texte portant institution de l’assemblée constituante et celui portant sur les élections, comme s’ils étaient destinés à empêcher la consultation populaire.
Le ministre a déclaré que les enquêtes effectuées par les divers services avaient permis la découverte de documents prouvant qu’un programme d’ensemble avait été élaboré pour créer une atmosphère de troubles et amené l’arrestation de plusieurs individus et a conclu : «Pour faire à cette situation, le gouvernement a été amené à prendre de graves décisions et notamment à soumettre à la haute approbation de notre auguste souverain un texte portant institution d’une cour criminelle spéciale chargée de juger les crimes et les complots contre la sûreté intérieure de l’Etat».
On précise que cette cour criminelle spéciale est une juridiction d’exception, sans appel, qui ne prévoit que le recours en cassation. Seront déférées devant cette cour toutes les personnes inculpées de complot contre la sûreté intérieure de l’Etat. On indique, d’autre part, que la perquisition effectuée au domicile de M. Salah Ben Youssef a permis de découvrir : une mitraillette Thomson, quatre revolvers de 9mm, seize grenades, dix-neuf pains de tolite, un stock de cartouches et une importante somme d’argent en monnaie française».
Enfin, le journal «Al Balagh El jedid» a été saisi hier et suspendu «c’est un organe pro-youssefiste, dont le rédacteur en chef se trouve parmi les personnes arrêtées hier matin».