Bourguiba et la femme
Réalités, avril 2000
S’il est un titre Habib Bourguiba tenait beaucoup, autant qu’à celui qui est rattaché au rôle primordial qu’il a joué dans l’édification du jeune Etat national et les nombreuses réformes dont il a été l’inspirateur, c’est celui de libérateur de la femme. Il a même décidé qu’il soit inscrit sur sa tombe.
L’acte du 13 août 1956 s’explique par la conjonction de tous ces facteurs, mais il serait injuste de ne pas souligner le courage politique qu’il fallait avoir pour prendre une telle décision, qui ne répondait pas à une revendication populaire et à laquelle très peu de femmes aspiraient et l’exprimaient, et qui aurait pu se retourner contre son auteur.
Il puisa dans l’Islam même les arguments qui devaient à ses yeux appuyer sa réforme. Il le raconte lui-même en disant : « J’entrai en contact avec le regretté Cheikh Fadhel Ben Achour, qui allait à l’intelligence les ressources d’une vaste expérience résultant de sa connaissance de la langue française, de ses nombreux voyages, de son érudition et d’un esprit résolument tourné vers le progrès de la science. Des divergences essentiellement formelles nous avaient quelquefois opposés. Soucieux de clarté, je rejetai toute espèce de formalisme, pour condamner et interdire la polygamie, sans ambigüité aucune. Nous tombâmes en définitive d’accord sur toutes les questions concernant notamment la succession et le divorce. Il était à ce point convaincu du bien-fondé de l’œuvre entreprise qu’il s’en était fait d’ardent défenseur itinérant auprès de tous les pays musulmans. Il puisait ses arguments dans les versets mêmes du Coran ».
S’agissant d’un acte hautement politique, Bourguiba a pris toutes les précautions : le choix du Ministre de la Justice. Ahmed Mestiri, la réforme de l’appareil judiciaire, modernisé tant au niveau des méthodes que du personnel, et la mobilisation du Néo Destour et de la toute jeune Union Nationale des Femmes Tunisiennes.