Bourguiba prononce l’éloge funèbre de Mongi Slim
Le 25 octobre 1969
…Je viens, en effet, de perdre un homme qui a été mon compagnon de lutte depuis plus de trente ans. Le 8 avril 1938, la veille des événements du 9 avril, je l’avais chargé de prendre la tête de la manifestation. Puis il fut mon compagnon de détention durant près de cinq ans, dans les prisons parisiennes et françaises. Jamais tout au long de cette épreuve, pendant tout ce temps, il n’eut le moindre mot de désespoir ou même de lassitude. Au contraire, il s’employait constamment à relever le moral de ses camarades. Tout cela, nous ne saurions l’oublier.
Mais, Mongi Slim ne fut pas seulement un combattant. Il s’était révélé, aussi un grand diplomate. Il présida l’Assemblée générale des Nations-Unis. Lors des évènements de Bizerte comme Président du Conseil de Sécurité, il jouera un rôle important qui nous valut le succès que vous connaissez.
J’aurai voulu assister aux obsèques du grand disparu. Malheureusement, mon état de santé ne me le permet pas. Le Docteur Ben Ayed, présent à mes côtés, me prescrit le repos Mongi Slim lui-même insistait toujours auprès de moi pour que je me ménage. Dernièrement encore, comme nous souffrions tous deux d’une inflammation du foie, il était venu me voir spécialement pour me conseiller le repos absolu.
Aussi, il me coûte de ne pouvoir le conduire moi-même à sa dernière demeure et je dois recourir à la Télévision pour m’adresser aux militants du Parti et leur rappeler la vie de combat qui fut celle de Mongi Slim, Membre du Conseil du Parti, Directeur du Néo-Destour, Président de la délégation tunisienne aux négociations sur l’autonomie, Président de l’Assemblée générale de l’ONU, Président du Conseil de Sécurité, Secrétaire d’Etat aux Affaires étrangères enfin Secrétaire d’Etat à la Justice, partout il servit brillamment la cause de Tunisie.
Notre consolation est qu’il lui a été donné, avait de mourir, de voir la Tunisie réaliser les objectifs pour lesquels nous avons tous lutté et consenti tant de sacrifices…
…A la mère de notre compagnon, que je considère comme ma propre mère, à ses frères et sœurs, à ses belles sœurs, à tous ses parents, j’adresse mes sincères condoléances. Ils doivent considérer qu’un homme qui a tant fait pour son pays, qui a accompli une œuvre aussi impérissable, ne saurait mourir, car il demeurera toujours vivant dans le souvenir de la Nation.
Pour terminer je voudrai vous rappeler un hémistiche de l’hymne du Parti : «Nous mourrons, nous mourrons, mais la partie survivra ! ».