Les dessous du remaniement : juin 1983
Revue le Maghreb
du 30/07/1983
Du fait, ce 18 juin 1983 le maître d’œuvre du VI plan, la tête économique du gouvernement, l’homme qui imprimait à l’action économique le sceau profond de ses idées, de ses hommes, voire de son caractère, est limogé.
…Dés le début, un débat de fond n’a pas manqué de se dessiner entre le politique Mohamad Mzali et le technocrate Mansour Moalla.
L’incident qui a conduit à la rupture exprime bien du reste cet état de fait : M. Mohamed Sayah, a demandé, conformément à des instructions du chef de l’Etat, une dotation de 100.000 dinars pour entamer les études relatives au réaménagement de la Place de la Kasbah et de celle de Bab Souika, «C’est un projet pirate !… a répondu, ni plus ni moins, M. Moalla.
…M. Slaheddine Ferchiou, chef d’entreprise tunisien, qui avait rapporté au chef de l’Etat l’inquiétude et la géne, des lieux d’affaires tunisiens face aux milieux d’affaires tunisiens face aux mesures draconiennes de M. Moalla.
…Bourguiba à Mzali : « Ne m’aviez-vous pas déjà parlé du comportement peu discipliné de M. Belkhodja ? » Dans l’entourage du premier ministre on laisse entendre que M. Mzali n’a pu défendre son ministre de l’Information. « M. Belkhodja, entend-on dire, a constamment fait en sorte, au détriment de la solidarité gouvernementale, et de sa cohésion, de faire cavalier seul. Tenant au bureau politique un langage orthodoxe et se lamentant, auprès de l’opposition, d’être une victime du courant fasciste du P.S.D.
…Le fait qu’il ait refusé le poste d’ambassadeur que le chef de l’Etat lui avait proposé prouve bien qu’il a décidé de rompre avec une certaine tradition destourienne qui veut qu’un militant accepte, toujours avec empressement, la mission que le Président du Parti lui confie !
…Dans l’entourage de M. Mzali, que ce remaniement est aussi un avertissement adressé aux autres « seniors » du gouvernement. C’est vrai surtout du départ du ministre de l’Information, accusé par les « mzalistes » d’avoir fait de son ministère un « fief » et de s’être livré a une « surenchère » en faveur d’une démocratisation qui, pourtant, affirment-ils, était loin d’être sa préoccupation première lorsqu’il était au ministère de l’Intérieur. M. Belkhodja était aussi, dit-on assez proche de Wassila Bourguiba, la femme du chef de l’Etat, qui souhaite de longue date le remplacement du Premier ministre.
…Généralement décrit comme un technocrate dur et froid, persuadé d’avoir un quotient intellectuel très supérieur à celui de ses contemporains, M. Moalla, qui le Premier ministre aurait notamment reproché de se prendre pour « un surdoué dans un gouvernement de sous-doués », défendait une politique de rigueur économique impopulaire, mais, estimait-il, nécessaire : moins de hausses de salaire, moins d’importations de biens de consommation, davantage de vérité des prix, plus de contrôles fiscaux…