Hassib Ben Ammar : « Un homme d’une trempe extraordinaire »
Réalités, 19-4-2000
…C’est effectivement un homme d’une trempe extraordinaire qui est entré dans l’histoire par la grande porte. Il a su faire en effet d’un peuple divisé une nation consciente de ses droits, prête à sacrifier ses enfants pour recouvrer sa liberté.
…Je ne manquerai pas, dans la foulée, de rappeler le choix fondamental du planning familial, sans lequel la Tunisie compterait aujourd’hui vingt millions d’habitants pour partager la transformation des mentalités. Il a veillé à ce que le peuple tunisien se considère comme responsable de son sort en recherchant l’épanouissement par le travail.
…Mais quoiqu’on en dise, ces points faibles, auxquels on ajoutera peut-être l’expérience amère de la collectivisation, ne doivent en aucun cas ternir l’image de Bourguiba qui reste un grand homme d’Etat.
…J’ai eu l’honneur de l’accompagner au cours d’un voyage au Moyen-Orient. Je me souviens qu’au cours de la visite du temple de la nativité à Bethlehem, Bourguiba s’est adressé en ces termes à un prêtre catholique et un imam musulman qu’il a vu assis l’un à côté de l’autre : « Si vos aïeuls avaient pensé un seul instant que vous seriez assis côte-à-côté à fraterniser de cette façon, nous n’aurions pas vu autant de sang couler pendant les Croisades. Et si aujourd’hui, Arabes et Juifs acceptaient de se mettre autour d’une table pour trouver ensemble les solutions de nature à servir les intérêts de leurs peuples sur la base des recommandations des Nations Unies, cela aurait été beaucoup plus sage ».
Le lendemain, un journal cairote écrivait dans son éditorial : « Nous avons tous un très grand respect pour le grand leader Bourguiba qui a su libérer la Tunisie ; c’est ce qui fait que nous ne prenons pas au sérieux les rumeurs qui nous parviennent de Jéricho et Bethlehem et qui disent que Bourguiba appelle à un dialogue entre Arabes et Juifs. Chacun sait qu’il n’y a qu’une seule solution à notre cause sacrée, c’est de jeter les juifs à la mer. Et tout responsable politique qui proposerait une autre solution doit être considéré comme un ennemi à notre cause sacrée et doit être éliminé de la scène politique ».