Mohamed El Moncef Pacha Bey
Abolition du baisemain
Par Tarek Zarouk
En recevant les condoléances des représentants de la population, juste après les funérailles de Ahmed Pacha Bey, le nouveau souverain, Mohamed El Moncef, bousculait soudainement le protocole et s’adressait à ses sujets en ces termes : «Dorénavant, je vous dispense du baisemain, ce geste servile, entaché d’idolâtrie, geste humiliant pour l’être humain ; j’exige qu’on me serre la main, car je ne suis pas seulement votre souverain, je suis plutôt votre père et vous êtes mes enfants. Soyez des hommes, des hommes étroitement unis».
Effectivement, durant le règne de ce Bey qui se voulait ami et proche de ses sujets, le baisemain fut banni de la cour beylicale.
…En recevant le défilé des hauts fonctionnaires d’Etat venus présenter les vœux de l’Aïd au souverain, ce dernier avait importuné le Résident général en s’écriant « Je ne vois que des chapeaux, où sont les chéchias dans les administrations tunisiennes ? ». Il l’avait importuné aussi en s’adressant au préfet de police en ces termes : «Comment se fait-il que dans cette nombreuse délégation que vous me présentez, il n’y ait pas un seul Tunisien ?».
…A ce moment, le Résident général se détacha du rang du Bey et des princes pour se placer sur le front et d’adressa au souverain en ces termes : «Monseigneur, tous ces messieurs ici présents ont ma confiance, et méritent la vôtre ; ils sont dignes de la place qu’ils occupent». Cette phrase fut ponctuée d’un geste menaçant de l’index.
Mauvaise passe
En 1942, le Royaume de Tunisie connaissait la période la plus sombre de son histoire. Les Alliés, constitués principalement des Etats-Unis d’Amérique et de l’Empire britannique, s’engageaient à se battre contre les forces de l’Axe, représentées principalement par l’Allemagne et l’Italie, sur le territoire tunisien.
En effet, le 8 novembre 1942, l’amiral Estava remis au souverain Mohamed El Moncef Bey une lettre émanant du Maréchal Pétain lui proposant d’aligner l’attitude du gouvernement beylical sur celle de la France métropolitaine ou d’accepter la neutralité. Par la même occasion, Esteva remit au souverain une seconde lettre émanant de Franklin Roosevelt, président des Etats-Unis d’Amérique, datée du 7 novembre 1942 dans laquelle il le sollicitait de permettre le passage à travers le pays des forces alliées et de s’aligner du côté des Alliés.
Le courage d’affirmer la neutralité
Suite à une grande confusion, le souverain Mohamed El Moncef Bey choisit, dans une missive datée du 12 novembre 1942, adressée à Franklin Roosevelt, la position de neutralité, et ce, malgré la présence de plus en plus forte des armées de l’Axe en Tunisie. Le jour même, et par la même voie, des messages similaires furent adressés à S.M. Georges V, roi d’Angleterre, à S.M. Victor Emmanuel III, Roi d’Italie, et au chancelier allemand Adolf Hitler.