Par Abou IDYL
23 mai 2013, journal l’Audace
Originaire de Mahdia, Brahim Toubal était dès sa première jeunesse un militant exalté et bouillonnant. Il collabora même avec les Allemands dans les années 4O, croyant contrairement à Bourguiba à leur victoire et qu’ils pouvaient sauver la Tunisie. Il du être condamné par un tribunal de Marseille avec Youssef Rouissi, Rachid Driss, Hassine Triki etc. Sauvés par les Syriens après la défaite des Allemands, ils se retrouvèrent avec Bourguiba.
Brahim Toubal adhéra à cette époque aux thèses et aux orientations de Salah Ben Youssef auquel il resta fidèle jusqu’à sa mort. Virulent dans ses critiques, il ne ménagea personne dans le gouvernement de Bourguiba, y compris parmi ses compatriotes de Mahdia.
La duplicité de Ben Ali
Brahim Toubal décèdera plus tard à Genève en Suisse de sa longue maladie. Mhammed Chebbi, Tahar Belkhoja, originaire de Mahdia, et de nombreux amis algériens ont notamment le militant Ahmed Koujebli, effectueront le voyage en Suisse. Le jour du décès, la discussion était très tendue entre l’ambassade représentée à l’époque à Berne par Saadoun Zmerli et la famille du défunt. C’est que le Premier ministre algérien Sid Ahmed Ghozali fit savoir que l’Algérie était disposée à affréter un avion spécial pour transporter le corps jusqu’à Alger, où il serait exposé dans une salle du parti du FLN, où un hommage algérien et palestinien lui serait rendu et une cérémonie digne consacrée. D’autant plus que Toubal était mariée à une Algérienne.
De l’autre côté, Ben Ali fit dire à la famille que Brahim Toubal était un militant tunisien, que tous les honneurs et les hommages lui seraient rendus en Tunisie et qu’un avion spécial serait mis à sa disposition.
Après beaucoup d’hésitation, l’épouse Toubal finit par opter pour la Tunisie.
Mais voilà que dans la soirée, le secrétaire général du RCD, Abderrahim Zouari, téléphona à l’ambassadeur Zmerli et lui intima l’ordre de faire en sorte que la dépouille arrive de la ville française de Lyon. Un stratagème visant à éviter un cérémonial. Saadoun Zmerli refusa car il était hors de question d’un cortège mortuaire traverse les frontières de Genève à Lyon par la route. Il téléphona même à Ben Ali qui finit par se plier aux arguments de son ambassadeur. Le lendemain, après la cérémonie rituelle à Genève, coup de théâtre à l’aéroport genevois. Sans même que la famille soit avisée, l’avion spécial qui était prévu pour transporter la dépouille n’arriva pas. Le corps du être déposé dans la soute de l’avion régulier de Tunis Air qui effectuait le vol Genève-Tunis, alors que pour les personnalités le corps doit toujours être disposé dans l’enceinte de l’avion. Et… cerise sur le gâteau empoisonné de Ben Ali, on exigea de la femme et des enfants Toubal de payer leurs billets, ce qu’interloqué un ami algérien du défunt s’empressa d’accomplir…
Une arrivée mémorable à Tunis
A l’arrivée de l’avion à Tunis, se produisit une scène autant incroyable que mémorable et qui en dit long sur le degré de monstruosité du Général à deux balles Ben Ali. Un responsable du RCD, un certain JMEL se précipita avec les agents devant l’avion d’où le cercueil fut furtivement extrait. Beaucoup de gens étaient parqués devant une porte en fer close. Ceux qui accompagnèrent la dépouille, quant à eux, mirent beaucoup de temps à récupérer leurs valises et effets personnels. Et lorsqu’ils demandèrent où est passé le cercueil, on leur répondit sans vergogne qu’une ambulance avait déjà pris la route de Mahdia où elle les attendait à l’entrée de la ville. Merci !!!
Qu’à cela ne tienne, tout ce beau monde s’engouffre dans les voitures pour rejoindre l’ambulance. A Mahdia, on put constater qu’aucun officiel tunisien n’était présent.
Le lendemain matin, de nombreuses personnalités tunisiennes comme Ahmed Mestiri, algériennes telles l’ambassadeur et le directeur de la Banque centrale d’Algérie ainsi que de hauts cadres palestiniens affluaient dans la ville de Mahdia. L’ambassadeur d’Algérie, accompagnée de ministres de son gouvernement, qui s’était dirigé au siège du gouvernorat pour s’enquérir de l’adresse de la dépouille, ne fut même pas reçu. On lui indiqua à peine comment s’orienter. Tout cela était minuté et téléguidé par Ben Ali. Tout le monde l’aura compris !
Toute la ville de Mahdia était fermée ; à la mosquée, à l’heure de la prière devant le cercueil, les portes étaient closes. Le gouverneur qui était présent se permit même une querelle avec l’un des fervents amis de Toubal, Moncef Chebbi. Ce dernier voulait prononcer l’oraison funèbre et le représentant de son maître Ben Ali la lui refusait. Enfin de compte, les deux personnages ont prononcé l’oraison devant une foule ébahie et consternée.
Au cimetière, querelle de nouveau entre le gouverneur et des amis du mort.
Atterrés, toutes ces gens durent rentrer.
A 15 heures, l’un des originaires de la ville de Mahdia, qui a flairé que les officiels tunisiens n’accompliraient pas leur devoir ni ne tiendraient comme dès le départ leurs promesses, a organisé chez lui un déjeuner pour réunir les personnalités présentes à l’enterrement. L’atmosphère y était pesante, macabre même.
Et quelques semaines plus tard, comme un pied de nez aux autorités, la municipalité de Mahdia décida de donner le nom de Brahim Toubal à l’artère allant de la mosquée au cimetière. Sans aviser un gouverneur zélé ni encore des autorités malfaisantes…