Témoignage de Rafik Chelly : Le syndrome de Carthage
Le 7 novembre à zéro heure 15 minutes de l’année 1987 Zine El Abidine Ben Ali, premier ministre et ministre de l’intérieur, n’avait téléphoné : « Rejoins-moi à mon bureau au ministère de l’intérieur »
A minuit 45 minutes je fus dans son bureau, en entrant j’avais trouvé, sur ma droite, assis, le ministre de la Défense Slaheddine Bali, le général de l’armée Elkateb et le général Baraket, chef d’état major de l’armée de terre ainsi que le chef de la sécurité militaire.
Une fois au salon, Ben Ali m’aborda en commençant par se plaindre du comportement du Président Bourguiba, surtout qu’il venait de se rétracter sur la nomination de nouveaux membres du gouvernement, alors que les décrets de nomination étaient déjà signés et que la presse avait déjà annoncé la nouvelle. Il reprochait au Président d’avoir été manœuvré par des proches. Il poursuivait en disant que Bourguiba était devenu un vieillard, souvent malade, qui se trouvait dans l’incapacité de gouverner.
Ben Ali considérait que cette situation ne lui permettait plus de s’acquitter de ses devoirs de Premier ministre comme il le fallait. Il poursuivait, comme pour me tranquilliser, que Bourguiba serait hébergé à Dar El Hana à Sfax, avec son médecin infirmier et valet et que rien ne lui manquerait.
Je le regardais sans mot dire. Il me fixa dans les yeux, affirmant « qu’on est décidé même à utiliser la force s’il le faut, et que dans d’autres pays on ferait ça », faisant un geste de son index sous la gorge. Cela voulait dire qu’ailleurs, on aurait tout simplement assassiné le Président.