Un statut sur mesure
L’action, 17 février 1958
Bizerte était jusqu’à vendredi une préfecture maritime française, comme Brest ou Toulon. Une loi tunisienne promulguée ce jour là change cet état juridique et donne le premier coup de pioche dans l’édifice conçu en 1942 pour soustraire définitivement Bizerte à la souveraineté Tunisienne ?
Le journal Officiel de la République Tunisienne daté de vendredi dernier a publié une loi portant abrogation de la convention de 1942 fixant le statut juridique du port de Bizerte, passée entre les directeurs des finances et des travaux publics d’une part et le secrétariat d’Etat Français aux forces armées (marine) d’autre part.
Cette convention qui n’avait pas été publiée (seul le décret de ratification l’a été) avait dans ses dispositions principales concrétisées les principes suivants :
- Le port de Bizerte ne fait pas partie du territoire tunisien ;
- Le port de Bizerte est un port français
C’est à l’exterritorialité que subissait Bizerte, et à son assimilation aux ports français de Toulon et de Brest que la loi en question met fin.
En droit strict cette opération est donne nulle, d’une nullité absolue : elle est quand même restée en vigueur pendant plus de 15 ans.
Cette convention a donc détaché la zone militaire du territoire tunisien ; elle est allée encore plus loin en prévoyant des dispositions qui rattachent cette zone au territoire français. Bizerte en ce sens, ne diffère en rien de Toulon ou de Brest.
L’assimilation
L’assimilation ne résulte pas seulement du fait que l’Amiral commandant la flotte à Bizerte est Préfet maritime, ce qui implique que Bizerte est une préfecture française ; elle résulte également des pouvoirs qui lui ont été confiés et qui aboutissent en fait à lui donner une autorité totale sur la zone :
- L’Amiral a un pouvoir de décision. C’est lui qui a le contrôle de la navigation et qui assure la police de sûreté. Il s’agit là de pouvoirs civils, revenant à l’auto-pouvoirs civils, mais que la convention de 1942 a confié a l’Amiral pour que soit en tout état de cause assurée la primauté de la Marine sur les pouvoirs civils.
L’accostage des bateaux en dehors de la zone réservée au port commercial est soumis à l’accord préalable de la Marine qui peut donc le refuser, sans donner aucune justification.
- L’Amiral a un pouvoir de véto dans d’autres domaines. En particulier il peut s’opposer à l’accès aux établissements de la Marine, ce qui à la rigueur peut se concevoir, mais et c’est le plus grave, il peut s’opposer à l’implantation de tout établissement industriel dans les environs de la zone ; pour des motifs inhérents à la Défense nationale.